Extrait de l'excellent blog de Finpoil
“ "Oh, bonjour, mais qu’est-ce que tu fais?” "
La plupart de mes élèves ont tendance à commencer leurs impros comme ça. Alors, okay, j’ai beau leur dire qu’il faut éviter de poser des questions sur les actions qui sont en train de se passer (les personnages les VOIENT, donc ils peuvent les définir mieux que personne), j’ai beau leur répéter qu’il faut éviter de se saluer (l’impro devrait commencer in medias res – au milieu d’une action déjà commencée), mais mes fripons canaillous persistent à donner ce genre de phrases.
J’ai mis longtemps (2 mois? 3 ans? 6 ans?) à comprendre ce qui ne fonctionnait pas dans ce genre de phrase, au niveau global, au niveau essentiel. Et ce qui ne joue pas, c’est qu’il n’y a absolument AUCUNE information dans cette question. Relisez-là, pour voir:
“ "Oh, bonjour, mais qu’est-ce que tu fais?” "
Bon, il y a peut-être UNE information, c’est que les deux protagonistes se connaissent plus ou moins (ha c’est précis, ça!). Après, on peut éventuellement gloser sur le fait que le ton employé par l’improvisateur va donner une intention à la requête: est-il intéressé? narquois? vicieux? amoureux?
Mais on peut faire plus efficace.
Alors depuis quelques temps, ma théorie sur les problèmes en impro, c’est de tout ramener à des problèmes d’information:
une histoire qui ne décolle pas? Certaines informations n’ont pas été traitées, ou manquent d’implications.
une confusion phénomènale, du genre de la porte fermée qu’on enfonce, du père qu’on appelle “ "frangin” " ou du chat qu’on croyait mort? Un bête malentendu, une information qui n’a pas été saisie.
un début d’impro qui fait soupirer? Les informations données sont non pertinentes, redondantes avec ce qui se passe physiquement, ou ce qui s’est passé depuis le début de la scène.
Dès lors, j’essaie de ramener toutes mes remarques à des problèmes d’information, pour élaborer une démarche toute simple pour établir une jolie scène, qui regroupe tous les anciens conseils (et tous les conseils déjà donnés en théorie d’impro):
donner des informations claires (être explicite, faire des propositions physiques)
intégrer les informations de l’autre (écouter, être dans le moment, rebondir, construire avec, accepter la réalité du partenaire, établir des relations entre les informations)
donner des informations intéressantes (faire des implications, oser sa créativité, être spécifique dans son vocabulaire, assumer des choix moraux)
Ça devient tout simple, non?
J’essaie aussi de vérifier chaque théorie de l’improvisation par rapport au théâtre “ "classique” " et écrit. Or, si vous lisez les premières répliques (ou scènes, quand l’auteur prend son temps) d’une pièce, vous avez un nombre phénoménal d’informations: prénoms, lieux, relations, caractère, orientation morale, etc.
Je considère donc que je pourrais me retirer de l’enseignement quand mes élèves arriveront sur scène avec:
“ "Papa, je veux me marier avec la veuve du Liamont.” "
Lire d'urgence les autres post : http://finpoil.wordpress.com/category/improvisation-et-creativite/